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à propos de la théorie du syllogisme

sant ce rapprochement, que le syllogisme consiste dans la succession des idées mêmes et que les termes et les propositions par lesquels on l’exprime ne sont que la trace laissée par ces idées : termes et propositions sont à l’idée ce que les figures dessinées par le sable en vibration sont aux sons dont elles représentent les vibrations. Quand nous voulons par la réflexion arriver à un certain résultat, nous concentrons nos données que nous rapprochons rapidement les unes des autres pour les comparer : cette comparaison des données a pour effet immédiat de nous faire arriver aux conclusions qu’il nous est possible d’en tirer par l’emploi de trois figures syllogistiques. Mais ces opérations se succèdent avec une telle rapidité qu’on n’emploie que peu de mots ; souvent même on n’en emploie pas du tout, et la conclusion seule est énoncée formellement. C’est pourquoi aussi il arrive parfois qu’étant parvenus, soit par ce procédé, soit simplement par l’intuition, par un « aperçu heureux », à prendre conscience d’une vérité nouvelle, nous cherchons les prémisses de cette conclusion, nous aspirons à en donner une démonstration car, en thèse générale, les connaissances se présentent à nous avant leurs preuves. Alors nous fouillons dans la provision de nos connaissances, pour voir s’il ne s’y trouve pas quelque vérité dans laquelle la dernière soit déjà implicitement contenue, ou s’il ne s’y rencontre pas deux propositions dont la coordination produise cette vérité nouvelle. Le syllogisme le plus frappant et le plus formel de la première figure est fourni par le premier procès criminel venu. La transgression civile ou criminelle qui donne lieu à la plainte est la mineure : celle-ci est posée par le plaignant. La loi qui s’applique à un tel cas constitue la majeure. L’arrêt est la conclusion nécessaire ; aussi le juge se contente-t-il de le « prononcer ».

Maintenant je vais essayer de donner une idée aussi simple et aussi exacte que possible du mécanisme même du raisonnement déductif.

Le jugement, cette fonction élémentaire et si importante de la pensée, consiste dans la comparaison de deux concepts : le syllogisme dans la comparaison de deux jugements. Cependant, dans les manuels, on considère également le syllogisme comme une comparaison de concepts, de trois concepts il est vrai : le rapport que deux de ces concepts soutiennent avec le troisième permet de reconnaître celui qu’ils ont entre eux. On ne saurait évidemment contester la vérité de cette théorie ; moi-même j’en fais l’éloge au corps de ce chapitre, car elle a l’avantage de nous faciliter l’intelligence du mécanisme déductif, en nous rendant sensibles les rapports syllogistiques au moyen de sphères représentant les concepts. Mais ici, comme en bien d’autres cas, on n’obtient une représentation faci-