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doctrine de la représentation abstraite

riques reliés entre eux dépend celle du second, que de la non-vérité du second dépend celle du premier, c’est-à-dire que ces deux propositions se trouvent, en ce qui regarde leur vérité ou leur fausseté, en liaison directe. — Le jugement disjonctif, au contraire, énonce que de la vérité d’un des jugements catégoriques mis en relation dépend la non-vérité des autres, et inversement ; c’est-à-dire que ces propositions sont contradictoirement placées à l’égard de la vérité et de la non-vérité. — La question est un jugement dont une des trois parties demeure ouverte : ou c’est la copule : « Caïus est-il un Romain — ou ne l’est-il-pas ? » ou c’est l’attribut « Caïus est-il un Romain — ou quelque chose d’autre ? » ou c’est le sujet : « Est-ce Caïus qui est Romain — ou est-ce un autre que lui ? » — La place du concept qui demeure ainsi ouvert peut aussi rester tout à fait vide. Par exemple : « Qu’est-ce que Caïus ? — qui est Romain ? »

L’ἐπαγωγή, inductio, est chez Aristote le contraire de l’ἀπαγωγή. Celle-ci démontre la fausseté d’une proposition, en montrant qu’elle aboutit à des conséquences fausses, c’est-à-dire en procédant par l’instantia in contrarium. L’ἐπαγωγή, au contraire, prouve la vérité d’une proposition, en établissant qu’elle aboutit à des conséquences vraies. Par des exemples elle nous amène à admettre une certaine chose, tandis que l’ἀπαγωγή nous amène à ne pas l’admettre. Par conséquent, l’ἐπαγωγή est un raisonnement allant des conséquences au principe, et cela modo ponente : car à l’aide de beaucoup de cas, elle établit la règle, dont ces cas deviennent ensuite des conséquences. C’est justement pourquoi elle n’arrive jamais à une entière certitude ; elle ne saurait atteindre qu’une haute probabilité. Cependant cette incertitude formelle peut, grâce au nombre des conséquences énumérées, faire place à une certitude matérielle, de même qu’en mathématique les rapports irrationnels peuvent, au moyen des fractions décimales, être infiniment rapprochés de la rationalité. L’ἀπαγωγή, par contre, commence par marcher du principe aux conséquences, puis elle procède modo tollente, en établissant la non-existence d’une conséquence nécessaire et en détruisant ainsi la vérité du principe admis. C’est pourquoi elie est toujours d’une entière certitude et prouve plus par un seul exemple bien établi in contrarium, que l’induction ne saurait le faire par des exemples innombrables en faveur de la proposition admise. Tant il est plus facile de réfuter que de prouver, de détruire que d’établir.