Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 2, 1913.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE IX
À PROPOS DE LA LOGIQUE EN GÉNÉRAL.[1]

La logique, la dialectique et la rhétorique se tiennent entre elles ; car ensemble elles forment une technique de la raison. C’est sous ce titre qu’on devrait les étudier simultanément, la logique en tant que technique du penser proprement dit, la dialectique en tant que technique de la discussion avec autrui, et la rhétorique en tant que technique de la parole adressée à plusieurs (concionatio) ; ces trois sciences correspondent au singulier, au duel et au pluriel, de même que le monologue, le dialogue et le panégyrique.

Par dialectique j’entends, d’accord avec Aristote (Métaph. III, 2, et Analyt. post., I, 11), l’art du dialogue, et principalement du dialogue philosophique, tendant à la recherche en commun de la vérité. Mais un dialogue de la sorte revêt plus ou moins le caractère de la controverse ; c’est pourquoi la dialectique peut être définie aussi l’art de discuter. Les dialogues de Platon nous fournissent des exemples et des modèles de dialectique ; mais jusqu’ici on ne s’est guère occupé d’établir la théorie de la dialectique, c’est-à-dire la technique de la discussion, ou l’éristique. Pour moi, j’ai fait un travail sur ce sujet que j’ai publié dans mes Parerga ; aussi me dispenserai-je de donner ici un exposé détaillé de cette science.

En rhétorique, les figures rhétoriques sont à peu près ce que sont en logique les figures syllogistiques : en tout cas elles valent la peine qu’on les étudie. À l’époque d’Aristote, il ne semble pas qu’elles aient été l’objet de recherches théoriques, car il n’en parle dans aucune de ses rhétoriques ; il faut nous en référer à cet égard à Rutilius Lupus, lequel a fait un résumé des œuvres d’un Gorgias plus récent.

Ces trois sciences ont cela de commun qu’on en suit les règles sans les avoir préalablement apprises ; les règles ne sont là que l’expression abstraite du procédé que suit la nature. — Aussi, à côté du haut intérêt théorique qu’elles présentent, ces sciences n’offrent-elles que peu d’utilité pratique ; d’abord parce qu’elles donnent bien la règle générale, mais non le cas auquel il faut l’appliquer ; ensuite parce que les exigences de la pratique ne nous laissent pas

  1. Ce chapitre, ainsi que le suivant, correspond au § 9 du Ier volume.