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16.

T. — Aucun mouvement n’est possible sans le temps.

E. — Aucun mouvement n’est possible sans l’espace.

M. — Aucun mouvement n’est possible sans la matière.

17.

T. — La vitesse est, à espace égal, en raison inverse du temps.

E. — La vitesse est, à temps égal, en raison directe de l’espace.

M. — La quantité du mouvement est, à vitesse égale, en raison géométrique directe de la matière, c’est-à-dire de la masse.

18.

T. — Le temps, en lui-même, n’est point directement mesurable ; il ne l’est qu’indirectement grâce au mouvement, lequel est à la fois dans l’espace et dans le temps : c’est ainsi que le mouvement du soleil et celui de l’horloge mesurent le temps.

E. — L’espace est en soi directement mesurable ; mais on peut le mesurer indirectement par le mouvement, lequel est à la fois dans le temps et dans l’espace : Ex. l’expression une heure de chemin ; la distance des étoiles fixes exprimée par le nombre d’années que met leur lumière pour venir jusqu’à nous.

M. — Pour mesurer la matière considérée comme telle, c’est-à-dire la masse, autrement dit pour en déterminer la quantité, on ne peut procéder qu’indirectement, c’est-à-dire en évaluant la quantité de mouvement qu’elle reçoit et celle qu’elle donne, lorsqu’elle choque un corps ou lorsqu’elle l’attire.

19.

T. — Le temps est présent en tout lieu : chaque partie du temps est partout, c’est-à-dire simultanément dans la totalité de l’espace.

E. — L’espace est éternel ; chacune de ses parties existe en tout temps.

M. — La matière est absolue, autrement dit elle ne peut ni naître ni périr ; sa quantité ne peut être ni augmentée ni diminuée.

20. 21.

T. — 20. S’il n’y avait que le temps, les choses ne pourraient exister que successivement.

T. — 21. C’est le temps qui rend possible le changement des accidents.

E. — 20. S’il n’y avait que l’espace, les choses ne pourraient exister que simultanément.

E. — 21. C’est l’espace qui rend possible la permanence de la substance.

M. — 20. 21. La matière unit la fuite inconstante du temps et la rigoureuse immobilité de l’espace ; par suite elle est la substance qui demeure sous les accidents qui passent. Pour chaque lieu et en chaque temps le changement des accidents est déterminé par la causalité, laquelle par le fait unit le temps et l’espace et constitue toute l’essence de la matière.

22.

T. — Chaque partie du temps contient toutes les parties de la matière.

E. — Aucune partie de l’espace ne contient, en même temps qu’une autre, une même partie de matière.

M. — En effet la matière est aussi permanente qu’impénétrable.

23.

T. — Le temps est le principe d’individuation.

E. — L’espace est le principe d’individuation.

M. — Les individus sont matériels.

24.

T. — Le présent est sans durée.

E. — L’atome est sans étendue.

M. — L’atome est sans réalité.

25.

T. — Le temps en soi est vide et indéterminé.

E. — L’espace en soi est vide et indéterminé.

M. — La matière en soi est sans forme et sans qualité, de plus elle est inerte, c’est-à-dire, indifférente au repos ou au mouvement ; en résumé elle est indéterminée.

26.

T. — Tout instant est conditionné par celui qui précède, et il n’existe que dans la mesure où celui-ci a cessé d’être dans le temps. (Voir mon traité sur le Principe de raison).

E. — Si, dans l’espace, on pose une limite par rapport à une autre quelconque, la situation de cette nouvelle limite à l’égard de toute autre limite possible se trouve par là même rigoureusement déterminée. (Principe de raison d’être dans l’espace).

M. — Aucun changement ne peut être introduit dans la matière, si ce n’est en vertu d’un autre changement ; et par suite un premier changement, et par suite un premier état de la matière, est chose aussi inconcevable qu’un commencement du temps ou qu’une limite de l’espace. (Principe du devenir)

27.

T. — Le temps rend l’arithmétique possible.

E. — L’espace rend la géométrie possible.

M. — La matière, considérée comme mobile dans l’espace, rend la phoronomie possible.

28.

T. — La notion simple (Das Einfache) de l’arithmétique est l’unité.

E. — La notion simple de la géométrie est le point.

M. — La notion simple de la phoronomie est l’atome.