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sur les sens

aussi l’action si puissante, si immédiate, si irrésistible de la musique sur l’esprit, et en outre l’action qui la suit, et qui consiste dans une certaine exaltation. Les vibrations sonores qui se succèdent, combinées suivant des rapports numériques rationnels, impriment aux fibres du cerveau de semblables vibrations. Au contraire, il est facile de déduire de la nature active de la vue, — tout l’opposé de celle de l’ouïe — pourquoi il ne peut y avoir pour l’œil aucun analogue de la musique, et pourquoi le clavier des couleurs a été une idée malheureuse et ridicule. De même le sens de la vue, à cause de sa nature active, est fortement accusé chez les animaux chasseurs, chez les bêtes de proie, tandis qu’au contraire le sens passif de l’ouïe est très développé chez les animaux poursuivis, les bêtes peureuses et promptes à la fuite, de façon qu’elles sont averties à temps de l’approche de l’ennemi, soit qu’il arrive en courant ou qu’il rampe sans bruit.

Si nous avons reconnu dans la vue le sens de l’entendement, et dans l’ouïe, celui de la raison, on pourrait nommer l’odorat le sens de la mémoire, parce qu’il nous rappelle plus immédiatement qu’aucun autre l’impression spécifique d’une circonstance ou d’un milieu, si éloignée qu’elle soit.