paraîtrais. Il n’atteint que l’individu, qui est mon support pendant quelque temps, et qui est représenté par moi, comme tout le reste.
Mais si je t’accorde cela, et si je considère comme quelque chose d’existant par soi, ton existence liée d’une manière indissoluble à celle de l’individu éphémère, cette existence n’en est pas moins sous la dépendance de la mienne. Car tu n’es sujet qu’autant que tu as un objet : et c’est moi, qui suis cet objet. J’en suis le noyau et le contenu ; je suis la substance immuable qu’il renferme et sans laquelle il serait dépourvu de cohésion, et flotterait vide de réalité à la façon des rêves et des imaginations de l’individu, qui elles-mêmes empruntent de moi leur semblant d’existence.
Tu as raison de ne pas me contester mon existence parce qu’elle est attachée aux individus. Car tu es aussi indissolublement attachée à la forme que je puis l’être à ceux-ci, et tu n’as jamais paru sans elle ; comme moi, aucun œil ne t’a vue nue et isolée car tous deux nous ne sommes que des abstractions. Un être, au fond, c’est ce qui se représente soi-même, et ce qui est représenté par soi, mais dont l’existence en soi n’est ni dans l’acte de la représentation ni dans la qualité d’objet représenté, puisque l’un et l’autre sont répartis entre nous.
Nous sommes donc indissolublement unis, comme les parties nécessaires d’un tout, qui nous embrasse, et qui n’existe que par nous. Seul un malentendu peut nous opposer l’un à l’autre, et conduire à l’idée que l’existence de l’un est en lutte contre l’existence de l’autre, alors qu’en réalité ces deux existences s’accordent et ne font qu’un.
Ce tout embrassant ces deux termes est le monde comme représentation, ou le phénomène. Ces deux termes supprimés, il ne reste plus que l’être métaphysique pur, la chose en soi, que nous reconnaîtrons dans le second livre être la Volonté.