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LA MORALE DE FICHTE.

connu le caractère idéal du temps, ne put l’exposer que sous les formes du temps, c’est-à-dire en un mythe, et sans la séparer de la métempsychose. Rien n’est plus fait pour mettre en lumière l’identité des deux doctrines, que l’explication et le commentaire si clairs et si précis, du mythe Platonicien dans Porphyre : ici l’accord du mythe avec la théorie abstraite de Kant ne peut plus être méconnu. D’un écrit de Porphyre, aujourd’hui perdu, il nous est parvenu un passage, où étudiant le mythe dont il s’agit, et qui se trouve dans le dixième livre de la République de Platon, seconde moitié[1], il en donne un commentaire précis et topique. Stobée nous l’a conservé en entier dans ses Ἐκλόγαι, chap. viii, § 37-40 : le passage mérite grandement qu’on le lise. À titre d’échantillon, j’en vais citer un paragraphe qui est court, le 39e ; le lecteur qui s’y intéressera sera ainsi invité à prendre en main Stobée lui-même. Alors il le verra, le mythe de Platon peut être considéré comme une allégorie pour signifier la grande et profonde pensée, que devait exposer dans toute sa pureté abstraite, Kant en sa théorie du caractère intelligible et de l’empirique ; ainsi depuis bien des siècles déjà, Platon s’était élevé à cette idée ; même elle remonte bien plus haut encore, s’il faut croire avec Porphyre que Platon l’a empruntée aux Égyptiens. D’ailleurs elle se trouve déjà, avec la théorie de la métempsychose, dans le brahmanisme, qui est très-vraisemblablement la source où les prêtres égyptiens puisèrent leur sagesse. — Voici donc ce § 39 :

« Τὸ γὰρ ὅλον βούλημα τοίουτ’ ἔοικεν εἶναι τὸ τοῦ Πλάτωνος, ἔχειν μὲν τὸ αὐτεξούσιον τὰς ψυχὰς, πρὶν εἰς σώματα καὶ βίους διαφέρους ἐμπεσεῖν, εἰς τὸ ἤ τοῦτον τὸν βίον ἔλεσθαι, ἤ ἄλλον, ὃν, μετὰ ποίας ζωῆς καὶ σώματος οἰκεὶου τῇ ζωῇ, ἐκτελέσειν μέλλει (καὶ γὰρ λέοντος βίον ἐπ’ αὐτῇ εἶναι ἑλέσθαι, καὶ ἀνδρὸς). Κἀκεῖνο μέντοι τὸ αὐτεξούσιον, ἅμα τῇ πρός τινα τῶν τοιούτων βίων πτώσει, ἐμπεπόδισται. Κατελθοῦσαι γὰρ εἲς τὰ σώματα, καὶ ἀντὶ ψυχῶν ἀπολυτῶν

  1. C’est le mythe de Er l’Arménien. (TR.)