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LE FONDEMENT DE LA MORALE.

morales : il n’est que de quatre ans postérieur à la Critique de la Raison pure, ainsi il est d’une époque où Kant, bien qu’il comptât déjà soixante et un ans, n’avait pourtant éprouvé sensiblement aucun des fâcheux effets de l’âge sur l’esprit de l’homme. Ces effets sont déjà facile à observer dans la Critique de la Raison pratique, qui date de 1788, un an après cette seconde édition de la Critique de la Raison pure où, par une transformation malheureuse, Kant visiblement a gâté son œuvre capitale, immortelle ; mais c’est là un fait qui a été analysé dans la préface mise par Rosenkranz en tête de l’édition qu’il en a donnée : après examen je ne puis que donner mon assentiment à cette critique[1]. La Critique de la Raison pratique renferme à peu près les mêmes choses que ce « Fondement, etc. » ; seulement, dans ce dernier ouvrage, la forme est plus concise et plus exacte ; dans l’autre, le développement est plus abondant, coupé de digressions, et l’auteur, pour agir plus profondément, a appelé à son aide quelques déclamations morales. Kant avait, comme il le dit alors, obtenu enfin, et tardivement, une gloire bien méritée : sûr de trouver une infatigable attention chez le lecteur, il cédait déjà un peu plus à ce faible des gens âgés, la prolixité. L’objet propre de la Critique de la Raison pratique était d’offrir une place d’abord à cette théorie, si au-dessus de tout éloge, et qui a dû assurément être créée plus tôt, du rapport entre la liberté et la nécessité (pp. 169-179 de la 4e édition, et 223-231 de Rosenkranz) : cette théorie au reste est d’accord avec celle qui se trouve dans la Critique de la Raison pure (pp. 560-568 ; R. 438 sqq.) ; et en second lieu, d’offrir une place aussi à sa théologie morale, qui était là, on le reconnaîtra de plus en plus, le but principal de Kant. Enfin, dans les Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu, ce déplorable annexe de sa Doctrine du droit, composé en 1797, on sent à plein l’affaiblissement de l’âge. Pour toutes ces raisons, je pren-

  1. C’est de moi-même qu’elle procède, mais ici je parle en anonyme.