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CHAPITRE IV.

D’UNE EXPLICATION MÉTAPHYSIQUE DU FAIT PRIMORDIAL EN MORALE.

§ 21. — Un éclaircissement sur cet appendice.

J’ai maintenant achevé d’expliquer le principe de la moralité pris comme un pur fait ; j’ai montré que de lui seul découle toute justice désintéressée, toute charité vraie : et de ces deux vertus cardinales sortent toutes les autres. C’en est assez pour fonder l’éthique, en un sens du moins : car cette science, de toute nécessité, doit reposer sur quelque base réelle, saisissable et démontrable, choisie soit dans le monde extérieur, soit dans celui de la conscience ; à moins qu’on ne veuille, à la façon de plus d’un de mes prédécesseurs, prendre arbitrairement quelque proposition abstraite, pour en déduire les préceptes de la morale ; ou bien, à la manière de Kant, partir d’une pure notion, celle de la loi. J’ai donc, je crois, dès à présent satisfait à la question posée par la Société Royale : car il ne s’y agissait que du fondement de la morale, et l’on n’y réclamait pas par surcroît une métaphysique propre à porter ce fondement même. Toutefois, je le sens bien, l’esprit humain n’est pas pour si peu entièrement content, et ne se repose pas là-dessus à jamais. Il lui arrive ici comme à la fin de toute recherche et de toute science touchant la réalité : il se trouve en face d’un fait primordial ; ce fait rend bien compte de tout ce qui se trouve enfermé dans le concept que nous en avons, et de tout ce qui en résulte, mais lui-même demeure inexpliqué,