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LA DIVERSITÉ DES CARACTÈRES.

ἕξιν τῶ ἀλόγω μέρεος τᾶς ψυχᾶς, καθ’ ἃν καὶ ποιοί τινες ἦμεν λεγόμεθα κατὰ τὸ ἦθος, οἷον ἐλευθέριοι, δίκαιοι καὶ σώφρονες. » (« Celles des vertus, auxquelles sert le raisonnement et la démonstration, peuvent être dites des sciences ; mais sous le nom de vertu, nous entendons une disposition morale, la meilleure qui soit, de la partie non raisonnable de l’âme : de cette disposition dépend le caractère qu’on nous reconnaît, et qui nous fait appeler généreux, justes, sages. ») Qu’on jette un regard sur cette liste trop courte où Aristote, dans son De virtutibus et vitiis, a énuméré toutes les vertus et tous les vices ; on verra que tous doivent être regardés comme des états innés, et ne peuvent être véritables qu’à ce prix ; quand on voudrait se les conférer par un acte de volonté, à la suite de méditations raisonnées, ce serait en somme, pure hypocrisie et mensonge ; aussi, viennent des circonstances pressantes, et il ne faut plus compter qu’elles se conservent et résistent. Autant en peut-on dire de cette autre vertu, la charité : elle fait défaut chez Aristote, comme chez tous les anciens. Aussi, c’est dans le même sens qu’il faut entendre Montaigne quand il dit : « Serait-il vrai, que pour être bon tout à fait, il nous le faille être par occulte, naturelle et universelle propriété, sans loi, sans raison, sans exemple ? » (Liv. II, ch. 11.) Lichtenberg dit également : « Toute vertu préméditée ne tient guère. Ce qu’il faut ici, c’est du sentiment, ou de l’accoutumance. » (Mélanges : Réflexions morales.) Et de son côté le christianisme primitif vient confirmer la même doctrine : dans Luc, chap. vi, verset 45, on lit ceci : « ὁ ἀγαθὸς ἄνθρωπος ἐκ τοῦ ἀγαθοῦ θησαυροῦ τῆς καρδίας αὑτοῦ προφέρει τὸ ἀγαθὸν, καὶ ὁ πονηρὸς ἄνθρωπος ἐκ τοῦ πονηροῦ θησαυροῦ τῆς καρδίας αὑτοῦ προφέρει τὸ πονηρόν. » (« L’homme bon, du trésor de son cœur, tire la bonté ; et le méchant, du trésor de son cœur, la méchanceté. ») Et dans les deux versets précédents, la même vérité est exprimée déjà sous l’allégorie du fruit, qui toujours vaut ce que vaut l’arbre.

Mais le premier qui ait mis en lumière cette grave vérité, c’est