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LE FONDEMENT DE LA MORALE.

physique de la morale : et pourtant il resterait encore à faire un pas de plus, qui est tout à fait nécessaire. Mais pour cela il faudrait en morale aussi s’être avancé d’un pas plus loin ; et c’est ce qui ne se peut guère ici : en Europe, la morale ne se propose pas de but supérieur à la théorie du droit et de la vertu ; ce qui est au-delà, elle l’ignore ou le méconnaît. Ainsi, en omettant par nécessité ce dernier point, je dois ajouter qu’avec cette esquisse d’ensemble d’une métaphysique de la morale, on ne peut entrevoir, même de loin, la clef de voûte de l’édifice métaphysique complet : on ne peut deviner la véritable liaison des parties de la Divina Commedia. D’ailleurs, de l’exposer, cela ne rentre ni dans la question, ni dans mon plan. On ne peut dire tout en un jour : et puis il ne faut pas en répondre plus long qu’on ne vous en demande.

Quand on travaille à faire avancer la pensée humaine et la science, on éprouve toujours de la part du siècle une résistance : c’est comme un fardeau, qu’il faut traîner, et qui pèse lourdement sur le sol, quoi qu’on puisse faire. Mais ce qui doit alors nous rendre confiance, c’est la certitude d’avoir, il est vrai, les préjugés contre nous, mais pour nous la Vérité : et la Vérité, une fois qu’elle aura fait sa jonction avec son allié, le Temps, est sûre de la victoire : si donc ce n’est pas pour aujourd’hui c’est pour demain[1].


JUDICIUM REGIÆ DANICÆ SCIENTIARUM SOCIETATIS.

Quæstionem anno 1837 propositam, « utrum philosophiæ moralis fons et fundamentum in idea moralitatis, quæ immediate conscientia contineatur, et ceteris notionibus fundamentalibus, quæ ex illa prodeant, explicandis quærenda sint, an in alio co-

  1. On peut rappeler ici la devise que Schopenhauer a mise en tête du volume qui renferme le présent mémoire et l’essai sur le Libre arbitre : « Μεγάλη ἡ ἀλήθεια καὶ ὑπερισχύει. » (« Grande est la vérité : rien n’est aussi fort qu’elle. ») (TR.)