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i. de la connaissance

tellectuelle, agite cette masse totale de la conscience. Ce qu’il amène à la surface, ce sont les figures et les spectacles nettement évoqués par l’imagination, ou ce sont les pensées distinctes, conscientes, formulées en mots, ainsi que les décisions du Vouloir. Il est rare que le processus de nos opérations mentales et de nos résolutions affleure tout entier à la surface, c’est-à-dire qu’il consiste en une série de jugements nettement conçus et enchaînés. Nous nous efforçons bien de le rendre tel, afin de pouvoir nous l’expliquer à nous-mêmes et en rendre compte aux autres ; mais c’est le plus souvent dans des profondeurs obscures que se poursuit le travail par quoi notre esprit rumine, pour les transmuer en pensées, les matériaux reçus du dehors ; travail dont nous demeurons presque aussi inconscients que de la transformation de nos aliments en sang et en substance corporelle. De là l’incapacité où nous nous trouvons souvent d’expliquer l’origine des pensées qui sont le plus profondément nôtres ; elles naissent du mystère de notre être intime ; à l’improviste, et pour notre propre étonnement, des jugements, des clartés subites, des résolutions surgissent de ces profondeurs. Une lettre nous apporte des nouvelles importantes et inattendues, qui jettent le trouble dans la succession de nos idées et de nos motifs : nous bannissons