Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
la pensée de schopenhauer

chose et de chaque rapport, quel que puisse être le temps et le lieu de son existence ; parce que, précisément, un petit nombre de concepts embrassent une infinité d’objets et d’états, et y suppléent. — Comme on peut l’observer sur soi-même, l’abstraction consiste à rejeter un bagage inutile aux fins de pouvoir manier plus facilement les connaissances qu’il s’agit de comparer et, pour cela, de déplacer et de remuer en tous sens. Quand nous abstrayons, nous nous débarrassons d’une foule d’éléments non essentiels, pour nous simples éléments de confusion, contenus dans les choses réelles, et nous opérons avec quelques déterminations peu nombreuses, mais essentielles, conçues in abstracto. Mais comme précisément les concepts généraux ne se forment qu’en supprimant mentalement et en mettant de côté certaines déterminations de la réalité, étant ainsi d’autant plus vides qu’ils sont plus généraux, cette opération n’a d’autre utilité que de transformer et de parfaire des connaissances déjà acquises ; même quand nous tirons des prémisses contenues dans ces connaissances une conclusion, nous ne faisons rien de plus. Au contraire, les vues primaires, les vues neuves ne peuvent être puisées qu’à la connaissance sensible, seule pleine et seule riche, avec l’aide du jugement. — D’autre part,