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i. de la connaissance

ainsi le mammouth dans la banquise de la Léna, le moucheron dans un morceau d’ambre, un métal précieux dans un air absolument sec, les antiquités égyptiennes (jusqu’à des perruques) à l’abri de toute humidité dans leurs cryptes rocheuses — des milliers d’années n’y peuvent rien changer. C’est cette inefficacité absolue du temps qui se manifeste dans le domaine mécanique sous la forme de la loi d’inertie. Une fois qu’un corps a été mis en mouvement, il n’y a point de temps qui soit capable de lui enlever ce mouvement, ou seulement de le ralentir ; celui-ci est absolument infini, à moins que des causes physiques ne viennent lui faire obstacle ; de même qu’un corps au repos repose éternellement, si des causes physiques n’interviennent pas pour le mettre en mouvement. On en peut donc déjà conclure que le temps est quelque chose qui ne concerne pas les corps, qu’eux et lui ne sont pas de même nature, en ce sens que la réalité que nous reconnaissons aux corps ne peut être attribuée au temps ; que celui-ci est donc absolument idéal, c’est-à-dire qu’il appartient uniquement à notre appareil de représentation, alors qu’au contraire les corps, par leurs qualités et par leurs effets multiples et divers, témoignent qu’ils ne sont pas