Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
i. de la connaissance

pendant ils ne pensent pas à proprement parler. Car il leur manque les concepts, c’est-à-dire les représentations abstraites. La première conséquence de cette lacune, c’est l’absence chez les animaux, même les plus intelligents, d’une véritable mémoire, absence qui constitue la principale différence entre leur conscience et la conscience humaine. L’état proprement réfléchi, le complet recueillement de l’esprit repose en effet sur une conscience distincte du passé et de l’avenir possible comme tels, et en connexion avec le présent. La mémoire proprement dite, celle qu’exige cet état d’esprit, doit donc être un ressouvenir ordonné et cohérent de la pensée, lequel n’est possible que grâce aux concepts généraux, dont le secours est indispensable pour se rappeler même les connaissances purement individuelles et particulières. Car la masse, impossible à embrasser, des objets et des faits de même ordre et de même nature qui remplissent le cours de notre vie, nous empêche de posséder directement un souvenir concret et individuel de chacun d’eux ; c’est pourquoi nous ne pouvons conserver tous ces éléments qu’en les absorbant et en les groupant sous des notions générales et en les ramenant à