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vi. fragments divers

C’est là un fatalisme qui, contrairement à l’autre, le fatalisme simple, est indémontrable. Néanmoins je serais tenté de croire que chacun de nous se trouve amené tôt ou tard à le concevoir et à faire sienne, soit pour un temps, soit définitivement — c’est selon le tempérament et le tour d’esprit — la conviction qu’il implique. Nous pouvons l’appeler, pour le distinguer du fatalisme ordinaire et démontrable, le fatalisme transcendant. Il n’est pas comme l’autre le fait d’une connaissance proprement théorique, ni ne ressort de l’enquête intellectuelle qu’exige une pareille connaissance et dont peu d’esprits sont capables : il se dégage peu à peu des expériences personnelles de notre vie.

Cette conformité du cours de notre existence à un certain dessein pourrait sans doute s’expliquer en partie par l’immuabilité et l’inflexible logique du caractère inné, qui ramène toujours l’individu humain dans la même ornière. Chaque individu reconnaît en effet d’une façon si immédiate et si sûre ce qui est approprié à sa nature, qu’en général la conscience et la réflexion n’interviennent pas dans cette opération de son esprit, mais qu’il agit d’emblée en conséquence d’une façon pour ainsi dire ins-