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la pensée de schopenhauer

observée. Car le visage d’un homme est l’aveu franc et direct de ce qu’il est ; s’il nous trompe, ce n’est pas sa faute, mais la nôtre. Au contraire les paroles d’un homme ne nous disent que ce qu’il pense, ou plus souvent ce qu’on lui a appris à penser, quand ce n’est pas seulement ce qu’il prétend penser. De plus, en causant avec lui ou en l’écoutant parler aux autres, nous faisons facilement abstraction de ce qui constitue proprement sa physionomie, c’est-à-dire que nous négligeons le substratum permanent, la donnée pure et simple que cette physionomie représente, pour diriger toute notre attention sur la mimique expressive de sa conversation, où il sait en général s’arranger à paraître sous son jour favorable.

Pour saisir intégralement et profondément la véritable physionomie d’un être humain, il faut encore l’observer de préférence quand il est seul et livré à lui-même. La compagnie et la conversation jettent déjà sur lui un reflet étranger à son individualité et qui le plus souvent le modifie à son avantage ; car le mouvement d’action et de réaction qu’elles provoquent chez lui l’élève en général au-dessus de son niveau normal. C’est seulement quand il est réduit à sa propre société, libre de s’abandonner