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v. morale et religion

visité et qui nous serait inconnu, mais dont nous n’aurions pas non plus la preuve qu’il n’existe pas, et si, malgré tout ce qui pourrait les séparer, malgré l’impossibilité évidente où chacun d’eux serait de connaître les autres et de rien savoir de leurs dires, ces hommes apportaient néanmoins sur le pays en question des récits exactement concordants, il nous deviendrait difficile de concevoir encore quelque doute sur son existence et sur sa nature. Là où n’atteint pas l’expérience personnelle et directe, il faut se contenter du témoignage d’autrui ; tout ce qu’on peut faire, c’est de s’assurer qu’il n’est point suspect.

Nous voyons toutes les religions s’achever à leur sommet en un mysticisme, s’y envelopper d’ombre, y engendrer des mystères et des rites sacrés, qui n’ont en réalité d’autre sens que de marquer la place laissée vide par la connaissance, c’est-à-dire le point où, nécessairement, toute connaissance s’arrête. C’est dire que pour la pensée, à partir de ce point, rien ne saurait plus se formuler que par des négations, tandis que pour la représentation sensible l’expérience intérieure se traduit encore par des signes symbo-