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v. morale et religion

Ce défaut capital de la religion chrétienne est une conséquence directe de l’histoire de la création ex nihilo. Les chapitres I et IX de la Genèse nous montrent en effet le Créateur mettant l’homme en possession des animaux tout comme s’il s’agissait de simples objets et sans même lui recommander de les bien traiter, ce que la plupart des marchands de chiens ne manquent au moins pas de faire quand ils se séparent des bêtes qu’ils ont élevées. Mais non, Dieu livre tout simplement les animaux à l’homme pour qu’il règne sur eux, autrement dit pour qu’il fasse d’eux ce que bon lui semble. Sur quoi il l’élève encore, par-dessus le marché, aux fonctions de premier professeur de zoologie, en le chargeant d’octroyer aux animaux les noms qu’ils devront porter dorénavant : autre symbole de leur totale dépendance et de la complète nullité de leurs droits. — Gange sacré, père de notre race ! Comment dire l’effet que me produisent de pareilles histoires ? Pour moi, elles puent le juif d’une lieue. Mais hélas ! elles n’ont pas cessé jusqu’à nos jours de déployer leurs effets, car elles ont passé dans le christianisme. Aussi serait-il temps qu’on cessât une bonne fois de nous célébrer la morale chrétienne comme la plus parfaite des morales. Du fait qu’elle restreint à l’homme la portée