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la pensée de schopenhauer

et avant la Chute ; puis, à partir de ce moment, il serait devenu esclave de la nécessité du péché.

La « loi », ό νομος, au sens biblique du mot, ne cesse d’exiger de nous que nous changions de conduite, tout en supposant que notre nature demeure ce qu’elle est. Or c’est là une impossibilité. C’est pourquoi saint Paul dit que nul n’est sauvé par les œuvres de la loi et que nous ne saurions sortir de l’état de péché, pour parvenir à la liberté et à la rédemption, si nous n’avons d’abord passé par la « nouvelle naissance », c’est-à-dire si nous n’avons pas éprouvé l’action de la grâce qui nous permet de dépouiller le vieil homme pour revêtir un homme nouveau (par quoi il faut entendre un changement radical de nos dispositions intérieures). Tel est, en résumé, le mythe chrétien, considéré dans ses rapports avec l’éthique. Il va sans dire que le théisme juif, sur lequel il a été greffé, n’a pu se prêter à cette combinaison sans qu’on lui fît toutes sortes d’additions et de retouches bizarres, outre que lui-même n’offrait qu’un seul point d’attache — la fable de la Chute — à ce rejeton de l’antique souche indoue. Ces difficultés, ces contradictions qu’il fallut résoudre de force, expliquent précisément l’aspect si étrange, rébarbatif, contraire au sens commun,