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la pensée de schopenhauer

rédemption que le christianisme, et non pas lui seulement, mais encore le brahmanisme et le bouddhisme (lesquels la désignent d’un mot qu’on traduit en anglais par final emancipation), proposent à l’homme comme but suprême ; autrement dit, nous n’aurions pas besoin de devenir quelque chose de différent, voire même le contraire de ce que nous sommes. Mais parce qu’en fait nous sommes ce que nous ne devrions pas être, nous faisons aussi nécessairement ce que nous ne devrions pas faire ; et c’est pourquoi nous ne pouvons nous passer d’une transformation radicale de notre nature foncière, de cette « nouvelle naissance » qui a pour conséquence la rédemption. Sans doute la faute gît bien dans notre conduite ; mais la racine de la faute est dans notre essence et notre existence mêmes, dont notre conduite — je l’ai montré ailleurs — est la résultante nécessaire. D’où il suit qu’au fond notre seul véritable péché, c’est le péché originel. Je sais bien que le mythe chrétien fait intervenir ce péché originel postérieurement à la genèse de l’homme, en dotant en outre ce dernier d’un imaginaire libre arbitre ; mais s’il présente les choses ainsi, c’est précisément en tant que mythe. Le sens profond du christianisme, son esprit,