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la pensée de schopenhauer

encore n’y réussit-elle souvent qu’à l’approche de la mort. Ils sont rares les hommes chez qui cette intuition de l’esprit que nous avons décrite suffit à entraîner la négation du Vouloir-vivre. Ne voyons-nous pas celui-là même qui est bien près du renoncement rencontrer encore toutes sortes d’obstacles ? L’existence qui lui est faite est en général supportable ; il n’a pas désappris d’écouter la voix de l’espérance ; le moment présent lui fait aisément oublier tout le reste ; toujours une occasion s’offre à lui de satisfaire quelque convoitise : autant de tentations qui l’induisent à affirmer toujours à nouveau son Vouloir-vivre. C’est ce qu’a voulu faire entendre la religion, quand elle a personnifié toutes ces tentations dans la figure du diable. Ainsi donc, pour que le Vouloir arrive à se nier lui-même, il faut presque toujours qu’il ait été brisé d’abord par la souffrance. Mais aussi, une fois qu’un être hu- main aura passé par tous les degrés d’une croissante détresse sans cesser de se débattre dans une farouche résistance contre la destinée, et qu’il aura été conduit ainsi jusqu’à la limite du désespoir, il lui arrivera de rentrer subitement en lui-même et de comprendre enfin le sens de sa propre existence et