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la pensée de schopenhauer

sible de juger justement, quant à sa valeur morale, la conduite des autres ; il est même rare que nous puissions juger la nôtre.

La vertu procède sans contredit de la connaissance, mais non pas de la connaissance abstraite, communicable par des mots. Sinon, elle serait susceptible d’être enseignée, c’est-à-dire qu’il suffirait de définir les notions qui lui serviraient de base, de donner la formule abstraite de ses caractères, pour améliorer du même coup moralement tous ceux qui comprendraient et approuveraient cette formule. Or ce n’est pas du tout ce qui se passe en réalité. Les prescriptions et les prédications morales n’ont jamais fait de qui que ce soit un homme de bien, pas plus qu’aucune esthétique, depuis celle d’Aristote jusqu’aux plus récentes, n’a jamais fait un poète. En ce qui touche l’essence même de la vertu, le concept se révèle aussi stérile qu’il l’est dans le domaine de l’art. Son rôle, purement secondaire, est celui d’un instrument qui nous sert à fixer et à conserver des intuitions, à exécuter des résolutions dont la source est ailleurs. Velle non discitur. Sur la vertu même, par quoi j’entends la disposition intérieure de l’être