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v. morale et religion

donnés qu’indirectement, c’est-à-dire par l’intermédiaire du cerveau et sous forme de représentations. On comprend dès lors que cette « immédiateté » du moi fasse prévaloir ses droits. La subjectivité étant le propre de toute conscience, il s’en suit que chacun est pour soi-même tout l’Univers ; car tout ce qui existe objectivement n’existe jamais qu’indirectement, c’est-à-dire uniquement en tant que représentation du sujet, de sorte que tout dépend toujours d’une conscience individuelle. Le seul monde que l’individu connaisse et dont il sache quelque chose, il le porte en lui-même, comme sa représentation ; ce qui veut dire qu’il en est le centre. De là vient précisément que chacun est tout à ses propres yeux : à celui qui se sent le détenteur de toute réalité rien ne saurait importer davantage que lui-même. Mais si de ce point de vue subjectif, qui est le sien, son moi se présente à lui dans ces dimensions colossales, ce même moi, dès qu’on le considère du point de vue objectif, se rétrécit brusquement au point de se réduire presque à rien, c’est-à-dire à peu près à 1/1000 000 000 de l’humanité actuellement existante. Avec tout cela, l’individu sait fort bien que ce « moi » qui lui importe par-dessus tout, que ce microcosme pour qui le macrocosme se présente à titre de simple accident, de simple modification