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la pensée de schopenhauer

tre, mais nullement à s’en aller courir le vaste monde. Le motif en question serait beaucoup trop faible pour l’amener à cette dernière action.

Je puis faire ce que je veux : je puis, si je veux, donner tous mes biens aux pauvres et me mettre ainsi moi-même au rang de l’un d’eux — si je veux ! Mais je ne parviens pas à le vouloir, parce que les motifs contraires ont sur moi beaucoup trop d’empire pour que je le puisse. Par contre, si mon caractère était différent de ce qu’il est, et cela au point que je fusse un saint, alors je pourrais le vouloir ; mais dans ce cas aussi je ne pourrais pas faire autrement que de le vouloir, ce qui veut dire que je serais nécessairement obligé de le faire. — Voilà qui s’accorde le mieux du monde avec ce témoignage intérieur : « je puis faire ce que je veux », où quelques pseudo-philosophes au cerveau stérile s’imaginent aujourd’hui encore trouver la preuve du libre arbitre, et qu’ils mettent dès lors en relief avec insistance comme une donnée décisive de la conscience.