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la pensée de schopenhauer

c’est la méditation du génie de l’espèce sur l’individu qui pourrait résulter de leur union et sur la combinaison de ses caractères éventuels. D’elle dépend le goût plus ou moins vif que ces deux êtres manifesteront l’un pour l’autre et le degré de leur mutuel désir. Il peut suffire d’ailleurs de la découverte de quelque détail, demeuré d’abord inaperçu, pour mettre fin brusquement à une inclination déjà prononcée. C’est ainsi que dans tous les êtres aptes à engendrer le génie de l’espèce médite la génération à venir. Combiner les éléments dont elle sera faite, c’est là la grande œuvre à laquelle Cupidon ne cesse de songer et à laquelle il travaille infatigablement. Qu’est-ce, en regard de cette grande affaire, qui concerne l’ensemble de l’espèce et la série infinie des générations futures, que la foule éphémère des individus actuels avec leurs circonstances particulières ? Aussi le dieu est-il toujours prêt à les sacrifier impitoyablement ; car il est à ces individus comme un immortel est à des mortels, et ses intérêts sont aux leurs comme l’infini est au fini.

C’est le sentiment qu’il a de participer à une œuvre dont la portée est d’ordre transcendant, qui transporte