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iv. de la vie et de la mort

me identique au Rédempteur — le représentant de la négation du Vouloir-vivre — et dès lors comme participant de son sacrifice, racheté par ses mérites et délivré des liens du péché et de la mort, c’est-à-dire du monde. (Rom. V, 12-21.)

L’acte par lequel le Vouloir se dit « oui » à lui-même et qui donne naissance à l’homme, est un acte dont tout être humain éprouve intérieurement de la honte, qu’il prend grand soin de dissimuler et dans l’accomplissement duquel il s’effraie d’être surpris comme s’il commettait un crime. Or c’est pourtant uniquement par la répétition incessante d’un pareil acte que le genre humain subsiste. S’il fallait donc donner raison à l’optimisme, s’il fallait voir dans l’existence un don offert à notre reconnaissance par une suprême bonté guidée par une suprême sagesse, si cette existence était ainsi en elle-même une chose précieuse, louable et réjouissante, il semble vraiment que l’acte qui sert à la perpétuer devrait revêtir une toute autre physionomie. Mais si, au contraire, l’existence est bien plutôt une sorte de faute où d’aberration, si elle est l’œuvre d’un Vouloir ori-