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iii. de l’art

marqué. En ce sens, la musique est comparable aux figures géométriques et aux nombres qui représentent les formes générales, applicables a priori à tous les objets possibles, de toute expérience, et qui ne sont pourtant pas abstraits, mais sensibles, et toujours parfaitement déterminés. Toutes les manifestations, toutes les aspirations, toutes les émotions du Vouloir et de la sensibilité humaine, tout ce qui se passe dans l’être intérieur et que la raison range dans la notion négative et très vaste de sentiment, tout cela est exprimable dans l’infinité des mélodies possibles, mais toujours dans la généralité de la pure forme, sans la matière, toujours selon l’« en-soi » et non selon le phénomène, comme si l’âme nous était donnée sans le corps. Cette relation intime que la musique entretient avec l’essence véritable de toutes choses explique pourquoi d’entendre une musique adaptée à une scène, à une action, à un événement, à une situation quelconque, semble nous en dévoiler la signification la plus secrète, nous en fournir le commentaire le plus clair et le plus vrai, et pourquoi aussi, quand nous écoutons une symphonie en nous abandonnant entièrement à notre impression, il nous semble voir surgir et défiler devant nos