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la pensée de schopenhauer

avec toutes ses formes : objet et sujet, temps, espace, multiplicité et causalité. L’Univers montre sa seconde face. Jusqu’ici pur Vouloir, il est dès lors en même temps représentation. C’est que, parvenu à ce point, le Vouloir, qui jusqu’alors poursuivait ses fins dans les ténèbres avec une infaillible sûreté, s’est allumé à lui-même un flambeau, qui est pour lui le moyen de parer au dommage que la complexité et l’entrecroisement de ses manifestations risquait de causer aux plus accomplies d’entre elles. La raison de cette sûreté infaillible avec laquelle il opérait jusqu’alors, c’est qu’il agissait encore exclusivement selon son essence originelle, en tant qu’impulsion inconsciente, en tant que pur Vouloir, sans le secours, mais aussi sans le trouble que lui apporte maintenant un monde complètement différent, le monde comme représentation, lequel n’est à la vérité que l’image de son propre être, mais qui n’en est pas moins de tout autre nature et qui intervient désormais dans l’enchaînement de ses manifestations. Par là leur certitude infaillible prend fin. Nous voyons que déjà les animaux sont sujets à l’illusion, qu’ils peuvent être dupes de l’apparence.