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la pensée de schopenhauer

s’efforce de montrer que tous les phénomènes, ceux de l’esprit comme les autres. sont physiques ; et cela avec raison ; mais on ne voit pas que tout ce qui est physique est en même temps par ailleurs métaphysique. Ceci, au reste, est difficile à saisir, si l’on ignore Kant ; car c’est une idée qui implique la distinction du phénomène et de la « chose en soi ».

Une pareille physique absolue, qui ne laisserait de place à aucune métaphysique, reviendrait à faire de la natura naturata la natura naturans ; elle serait la physique installée sur le trône de la métaphysique ; mais elle risquerait de faire, dans cette position élevée, la même figure que le potier d’étain devenu maître-bourgeois dans la comédie de Holberg. Rien que dans le mot d’atheïsme, employé comme un reproche, d’ailleurs stupide en lui-même et presque toujours inspiré par la méchanceté, il y a déjà quelque chose d’où ce reproche tire sa signification profonde et la vérité qui fait sa force : c’est le pressentiment obscur d’une physique sans métaphysique. Il est certain que cette physique serait nécessairement destructrice de l’éthique, et autant il est faux de tenir la morale pour inséparable du théisme, autant il est vrai qu’elle n’est pas, de façon générale, séparable d’une méta-