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sur le bruit et le vacarme

leurs lectures, parce qu’ils ne pensent pas et fument seulement, ce qui est le succédané de leur réflexion. La tolérance universelle envers le bruit inutile, par exemple envers la façon si impolie et si grossière de pousser les portes, est un signe direct de la vulgarité universelle et du vide d’idées des cerveaux. En Allemagne, les choses semblent arrangées à dessein de façon que le bruit empêche tout le monde d’avoir sa tête. Qu’on songe, par exemple, aux sons inutiles du tambour.

Pour finir, en ce qui concerne la littérature du sujet traité dans ce chapitre, je n’ai qu’une œuvre à recommander, mais une belle œuvre, — une épître en tercets intitulée De’romori, à Messer Luca Martini, due à la plume du célèbre peintre Bronzino. Le tourment que font éprouver les bruits multiples d’une ville italienne y est décrit longuement, d’une manière tragi-comique, et avec beaucoup d’humour. On trouve cette épître dans les Opere burlesche del Berni, Aretino ed altri (t. II, p. 258), ouvrage soi-disant imprimé à Utrecht, en 1771[1].

  1. Voici quelques extraits de cette pièce curieuse et rare ; il convient d’ajouter que la victime de tous ces bruits est au lit, malade.

    … E perchè m’intendiate, i’ho dal lato
    Sinistro la cucina del Cappello,
    Cioè d’uno spezial, cosi chiamato :
    Ch’ogni mattina a nov’ore in su quello,
    Che stanco dall’ardore, è dall’affanno,
    Mi goderei con pace un sonnerello :
    Ei pesta, e trita, i’ non so che mal anno
    Ei si tempesti, che sei quarti d’ora ;
    Ogni mattina mi fa questo danno…
    Al dirimpetto ho certi calzolai,
    Che cantan sempre, come s’e’ di dire,
    Diletto, nè piacer non hebbi mai…
    S’io volessi contarvi, starei fresco,
    Il romor de’fanciulli ; onde tal volta
    Per dolermene ad altri, à me rincresco…
    Cresce allora il dolor, cresce la pena,
    Non pur pel mal, ma pe’l folli romori
    Di che questa Città quà oltre è piena…