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la volonté devant la perception extérieure

se poser avec confiance sur la tête du lézard, qui à l’instant même, sous ses yeux, a englouti une de ses pareilles. Qui songera ici à la liberté ? Chez les animaux supérieurs et plus intelligents, l’influence des motifs devient de plus en plus médiate : en effet le motif se différencie de plus en plus nettement de l’action qu’il provoque, à tel point que l’on pourrait même se servir de ce degré de différenciation entre l’intensité du motif et celle de l’acte qui en résulte, pour mesurer l’intelligence des animaux. Chez l’homme, cette différence devient incommensurable. Par contre, même chez les animaux les plus sagaces, la représentation, qui agit comme motif de leurs actions, doit toujours encore être une image sensible : même là où un choix commence déjà à être possible, il ne peut s’exercer qu’entre deux objets sensibles également présents. Le chien reste hésitant entre l’appel de son maître et la vue d’une chienne : le motif le plus fort détermine son action, et la nécessité avec laquelle elle se produit alors n’est pas moins rigoureuse que celle d’un effet mécanique. De même nous voyons un corps soustrait à sa position d’équilibre, osciller pendant quelque temps de droite à gauche, jusqu’à ce qu’il soit décidé de quel côté se trouve son centre de gravité, et qu’il se précipite dans cette direction. Or, aussi longtemps que la motivation est bornée à des représentations sen-