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la volonté devant la perception extérieure

car l’homme imprime à toutes ses actions, même aux plus insignifiantes, même à ses mouvements et à ses pas, l’empreinte et le caractère de l'intentionnalité et de la préméditation. Ce caractère différencie si nettement la manière d’agir de l’homme de celle des animaux, que l’on conçoit par quels fils déliés et à peine visibles (les motifs constitués par de simples pensées) ses mouvements sont dirigés, tandis que les animaux sont mus et gouvernés par les grossières et visibles attaches de la réalité sensible. Mais la différence entre l’homme et l’animal ne s’étend pas plus loin. La pensée devient motif, comme la perception devient motif, aussitôt qu’elle peut exercer son action sur une volonté humaine. Or tous les motifs sont des causes, et toute causalité entraîne la nécessité. L’homme peut d’ailleurs, au moyen de sa faculté de penser, évoquer devant son esprit dans l’ordre qui lui plaît, en les intervertissant ou en les ramenant à plusieurs reprises, les motifs dont il sent l’influence peser sur lui, afin de les placer successivement devant le tribunal dé sa volonté ; c’est en cette opération que consiste la délibération[1].

  1. Il y a là une inconséquence grave. Si Schopenhauer reconnaît à l’homme le pouvoir de faire agir les motifs sur sa volonté dans l’ordre qui lui plaît, la question du libre arbitre est résolue contre les déterministes. Qu’est-ce d’ailleurs que cet être qui veut séparé de sa volonté, puisque c’est sur elle-même que se porte sa volition ? Est-ce