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la volonté devant la perception extérieure

comme quelque chose d’inexplicable, parce qu’il n’est dans le sombre intérieur des êtres aucune conscience aux regards de laquelle elle puisse être immédiatement accessible. Maintenant, laissant de côté le monde phénoménal, pour diriger nos recherches sur ce que Kant appelle la chose en soi, nous pourrions nous demander si cette condition intérieure de la réaction de tous les êtres sous l’influence de motifs extérieurs, subsistant même dans le domaine de l’inconscient et de l’inanimé, ne serait peut-être pas essentiellement identique à ce que nous désignons en nous-mêmes sous le nom de volonté, comme un philosophe contemporain a prétendu le démontrer ; — mais c’est là une hypothèse que je me contente d’indiquer, sans vouloir toutefois y contredire formellement[1].

Par contre, je ne dois pas laisser sans examen la différence qui, dans la motivation même, constitue l’excellence de l’entendement humain relativement à celui de tout autre animal. Cette excellence, que désigne à proprement parler le mot raison, consiste en ce que l’homme n’est pas seulement capable, comme l’animal, de percevoir par les sens le monde extérieur, mais qu’il sait aussi, par

  1. « On comprend que c’est de moi-même qu’il s’agit en ce passage, mais je ne pouvais m’exprimer à la première personne, l’incognito étant de rigueur. » (Note de Schopenhauer.) — V. Th. Ribot, Ouvr. cit., p. 63-92.