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la volonté devant la conscience

de son moi et de sa volonté[1], mais où il ne reste plus rien, avec quoi il puisse les juger l’un et l’autre. La volition finale qui lui fait rejeter un des termes entre lesquels s’exerçait son choix (étant donnés son caractère, ainsi que les objets en présence), était-elle contingente, et aurait-il été possible que le résultat final de sa délibération fût différent de ce qu’il a été ? Ou bien faut-il croire que cette volition était déterminée aussi nécessairement (par les motifs), que, dans un triangle, au plus grand angle doit être opposé le plus grand côté ? Voilà des questions qui dépassent tellement la compétence de la conscience naturelle, qu’on ne peut même pas les lui faire clairement concevoir. À plus forte raison, n’est-il point vrai de dire qu’elle porte en elle des réponses toutes prêtes à ces problèmes, ou même seulement des solutions à l’état de germes non développés, et qu’il suffise pour les obtenir de l’interroger naïvement et de recueillir ses oracles ! — Il est encore vraisemblable que notre homme, à bout d’arguments, essayera toujours encore d’échapper à la perplexité qu’entraîne cette question, lorsqu’elle

  1. C’est là même une des bases de son système. « Quand le jour viendra où on lira mes ouvrages, on reconnaîtra que ma philosophie est semblable à la Thèbes aux cent portes : on peut y pénétrer par tous les côtés, et toutes les routes que l’on prend conduisent directement jusqu’au centre. » (1re préface de l’Éthique, 1840.)