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essai sur le libre arbitre

dique : seulement il présuppose la liberté de la volonté, et admet implicitement que la décision est déjà prise : la liberté de la décision elle-même ne peut donc nullement être établie par cette affirmation. Car il n’y est fait aucune mention de la dépendance ou de l’indépendance de la volition au moment où elle se produit, mais seulement des conséquences de cet acte, une fois qu’il est accompli, ou, pour parler plus exactement, de la nécessité de sa réalisation en tant que mouvement corporel. C’est le sentiment intime[1] qui est à la racine de ce témoignage, qui seul fait considérer à l’homme naïf, c’est-à-dire sans éducation philosophique (ce qui n’empêche pas qu’un tel homme puisse être un grand savant dans d’autres branches), que le libre arbitre est un fait d’une certitude immédiate ; en conséquence, il le proclame comme une vérité indubitable, et ne peut même pas se figurer que les philosophes soient sérieux quand ils le mettent en doute : au fond du cœur, il estime que toutes les discussions qu’on a engagées à ce sujet, ne sont qu’un simple exercice d escrime auquel se livre gratuitement la dialectique de l’école, — en somme une véritable plai-

  1. L’action directe de la volonté sur les membres a été niée par Hume, malgré le témoignage formel de la conscience, par la raison que nous ne connaissons qu’à posteriori quelles sont les parties de notre corps qui se trouvent dans la sphère du mouvement volontaire.