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la volonté devant la conscience

question, se trouvant éclairée de deux côtés différents, aura acquis toute sa netteté, et sera encore fendue plus saisissable par des exemples.

Donc ce sentiment inhérent à notre conscience « je peux faire ce que je veux » nous accompagne toujours et partout : mais il affirme simplement ce fait, que nos résolutions et nos volitions, quoique ayant leur origine dans les sombres profondeurs de notre for intérieur, se réaliseront immédiatement dans le monde sensible, puisque notre corps en fait partie, comme tout le reste des objets. Cette conscience établit comme un pont entre le monde extérieur et le monde intérieur, qui sans elle resteraient séparés par un abîme sans fond ; elle disparue, en effet, il ne resterait dans le premier, en tant qu’objets, que de simples apparences, complètement indépendantes de nous dans tous les sens, et dans le second, que des volitions stériles, qui demeureraient pour nous à l’état de simples sentiments. — Interrogez un homme tout à fait sans préjugés : voici à peu près en quels termes il s’exprimera au sujet de cette conscience immédiate, que l’on prend si souvent pour garante d’un prétendu libre arbitre : « Je peux faire ce que je veux. Si je veux aller à gauche, je vais à gauche : si je veux aller à droite, je vais à droite. Cela dépend uniquement de mon bon vouloir : je suis donc libre. » Un tel témoignage est certainement juste et véri-