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conçu par l’entendement[1] ? Nous nous exposerions à bien des déceptions si nous nous attendions à tirer de cette conscience des renseignements précis et détaillés sur la causalité en général, et sur la motivation en particulier, comme aussi sur le degré de nécessité qu’elles portent toutes deux avec elles. Car la conscience, telle qu’elle habite au fond de tous les hommes, est chose beaucoup trop simple, et trop bornée, pour pouvoir donner des explications sur de pareilles questions. Bien plus, ces notions de causalité et de nécessité sont puisées dans l’entendement pur qui est tourné vers le dehors, et ne peuvent être amenées à une expression philosophique que devant le forum de la raison réflective. Mais quant à cette conscience naturelle, simple, je dirais même bornée[2], elle ne peut même pas concevoir la question, bien loin qu’elle y puisse répondre. Son témoignage au sujet de nos volitions, que chacun peut écouter dans son propre for intérieur, pourra être exprimé à peu près comme il suit, quand on l’aura dépouillé de tout accessoire inutile et étranger à la question, et ramené à son contenu le plus strict : « Je peux vouloir, et lorsque je voudrai un acte quel-

  1. Le texte ajoute : « ou de la possibilité, ou non-possibilité, de sa non-production en pareil cas. »
  2. Einfache, ja, einfaeltige. Le mot simple, en français, peut être pris en deux sens assez différents correspondant chacun à un des termes employés par Schopenhauer.