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définitions

ou moins forts, tantôt violents et tumultueux, tantôt calmes et réglés, de la volonté individuelle, selon qu’elle est libre ou enchaînée, contente ou mécontente, et se rapportant tous, avec une grande variété de direction, soit à la possession ou au manque de l’objet désiré, soit à la présence ou à l’éloignement de l’objet haï. Ce sont donc bien des affections multiples de la même volonté, dont la force active se manifeste dans nos résolutions et dans nos actes[1]. On doit même ajouter à la précédente énumération les sentiments du plaisir et de la douleur : car, malgré la grande diversité sous laquelle ils nous apparaissent, on peut toujours les ramener à des affections relatives au désir

  1. « Il est très-digne de remarque, que déjà Saint-Augustin a parfaitement reconnu ce fait, tandis qu’un grand nombre de philosophes modernes, avec leur prétendue faculté de sentir, ne paraissent pas s’en douter. Car dans la Cité de Dieu (lib. XIV, c. 6), il parle des affections de l’âme, qu’il a rangées dans le livre précédent en quatre catégories, à savoir : le désir, la crainte, la joie et la tristesse, et il ajoute : « La volonté est en tous ces mouvements, ou plutôt tous ces mouvements ne sont que des volontés. En effet, qu’est-ce que le désir et la joie, qu’une volonté qui approuve ce que nous voulons ? Et qu’est-ce que la crainte et la tristesse, qu’une volonté qui improuve ce que nous ne voulons pas » ? (Note de Schopenhauer : Trad. Fr. de Lombert). Les modernes dont parle l’auteur sont sans doute les sensualistes qui oublièrent que le caractère essentiel de l’âme est d’être une force en acte, vis sui motrix. Schopenhauer lui-même aurait dû s’en souvenir, lorsque, perdant de vue ce point fondamental de toute saine psychologie, il compare l’âme à une balance. (P. 140.)