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essai sur le libre arbitre

pratique, avec les impératifs catégoriques que Kant lui attribue ; et cela, d’une part, parce que ces instincts ne commencent à se développer dans l’homme qu’à la suite de l’expérience et de la réflexion, c’est-à-dire à la suite de la perception extérieure ; d’autre part, parce que dans ces instincts mêmes la ligne de démarcation entre ce qui appartient originairement et en propre à la nature humaine, et ce que l’éducation morale et religieuse y ajoute, n’est pas encore tracée d’une façon nette et indiscutable. D’ailleurs il n’entre certainement pas dans l’intention de l’Académie de voir détourner artificiellement la question sur le terrain de la morale par une confusion de la conscience morale avec la conscience psychologique, et d’entendre renouveler aujourd’hui la preuve morale, ou bien plutôt le postulat de Kant, démontrant la liberté par le sentiment à priori de la loi morale, au moyen du fameux argument (enthymème) : « Tu peux, parce que tu dois. »

Il ressort de ce qui vient d’être dit que la partie la plus considérable de notre faculté cognitive en général n’est pas constituée par la conscience, mais par la connaissance du non-moi, ou perception extérieure. Cette faculté est dirigée avec toutes ses forces vers le dehors, et est le théâtre (on peut même dire, à un point de vue plus élevé, la condition), des objets du monde extérieur, dont