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APPENDICES

i

pour servir de complément au premier chapitre.


En conséquence de la distinction établie par nous dès le commencement de cet ouvrage entre la liberté physique, la liberté intellectuelle et la liberté morale, il me reste encore, après avoir achevé de traiter de la première et de la dernière, à examiner la seconde, ce que je ne ferai que par le désir d’être complet, et avec le plus de brièveté possible.

L’entendement, ou faculté cognitive, est le médium des motifs, c’est-à-dire l'intermédiaire par lequel ils agissent sur la volonté, qui est à proprement parler le fond même (le noyau) de l'homme. Ce n’est qu’autant que cet intermédiaire entre les motifs et la volonté se trouve dans un état normal, accomplit régulièrement ses fonctions et présente au choix de la volonté les motifs dans toute leur pureté, tels qu’ils existent dans la réalité du monde extérieur[1], que

  1. Reid objecterait, avec infiniment de raison, que les motifs n'ont aucune valeur indépendamment de nous, et que parler des motifs « tels qu’ils existent dans le monde extérieur, » c’est perdre de vue qu’un objet quelconque ne devient motif que par rapport à un entendement qui le conçoit de telle ou telle façon. C’est le cas de répéter l’adage scolastique : « Causa finalis agit non secundùm suum esse reale, sed secundùm suum esse cognitum. » — Il y a là d’ailleurs le germe d’une question extrêmement délicate, pour laquelle je me permets de renvoyer au chapitre 1er du Livre III de la Morale de M. Janet, et que Fichte tranchait par cette maxime : « Agis toujours suivant la conviction actuelle que tu as de ton devoir. »