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conclusion et considération plus haute

que pour Kant la réalité empirique du monde sensible subsiste concurremment avec son idéalité transcendantale, ainsi la rigoureuse nécessitation (empirique) de nos actes s’accorde avec notre liberté transcendantale. Car le caractère empirique, en tant qu’objet de l’expérience, est, comme l’homme tout entier, un simple phénomène, soumis par suite aux formes de tout phénomène — le temps, l’espace et la causalité — et régi par leurs lois. Par contre, la condition et la base du caractère phénoménal que l’expérience nous révèle, indépendante, en tant que chose en soi, de ces formes, et soustraite par suite à tout changement dans le temps, demeurant constante et immuable, s’appelle le caractère intelligible, c’est-à-dire la volonté de l’homme en tant que chose en soi. Ainsi considérée, elle a sans doute la liberté absolue pour privilège, c’est-à-dire qu’elle est indépendante de la loi de causalité (en tant que celle-ci est simplement la forme des phénomènes) ; mais cette liberté est transcendantale, c’est-à-dire qu’elle est invisible dans le monde de l’expérience. Elle n’existe qu’autant que nous faisons abstraction de l’apparence phénoménale et de toutes ses formes, pour nous élever jusqu’à cette réalité mystérieuse, qui, placée hors du temps, peut être pensée comme l’essence intérieure de l’homme en soi. Grâce à cette liberté, toutes les actions de l’homme sont