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essai sur le libre arbitre

une tendance naturelle et décidée à l’erreur, et que, pour l’en garantir, l’intervention d’une philosophie déjà fort avancée est nécessaire. Il est en effet tout à fait naturel au sens commun d’accorder beaucoup trop à l’objet dans l’ensemble de la connaissance, et c’est pourquoi il a fallu un Locke et un Kant pour montrer quelle grande part doit y être attribuée au sujet. Pour ce qui concerne la volonté, le sens commun obéit à un penchant contraire : il accorde bien trop peu à l’objet et beaucoup trop au sujet, en faisant découler la volition tout entière du sujet, sans tenir un compte suffisant du facteur objectif, à savoir le motif, qui, à proprement parler, détermine l’essence individuelle des actions, tandis que c’est seulement leur caractère général et universel, c’est-à-dire leur caractère moral fondamental, qui dérive du sujet. Une interprétation aussi inexacte de la vérité, naturelle à l’intelligence dans le domaine des recherches spéculatives, ne doit toutefois pas nous surprendre : car l’intelligence est originellement destinée à poursuivre des buts pratiques, et aucunement des recherches spéculatives.

Si maintenant, à la suite de l’exposition précédente, nous avons clairement fait reconnaître au lecteur que l’hypothèse du libre arbitre doit être absolument écartée, et que toutes les actions des hommes sont soumises à la nécessité la plus inflexible, nous l’avons par là même conduit au