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bliées en 1834), partisan fanatique de la liberté d’indifférence, et il l’accepte comme une vérité qui l’entend tout à fait de soi. C’est ainsi que pro-

    — ce que je me contente de citer comme une curiosité, parce qu’un bavardage aussi frivole et aussi étourdi ne mérite pas de place parmi les jugements de penseurs sérieux et honnêtes. » — « Songe donc un peu (c’est un professeur de philosophie qui parle) que nous sommes en Allemagne, où l’on a pu faire ce qui n’eût été possible nulle part ailleurs, décorer du titre de grand esprit et de profond penseur, un philosophe sans esprit, ignorant, barbouilleur de bêtises, désorganisant de fond en comble et pour toujours les cervelles par un verbiage plus creux que tout ce qu’on avait jamais entendu — je veux dire notre cher Hegel. » — On croirait difficilement que les dernières phrases que nous avons citées sont empruntées à l’ouvrage le plus difficile et le plus abstrait de Schopenhauer, la Dissertation sur le Quadruple Principe de Raison Suffisante, dont il donna en 1847 une seconde édition augmentée de dix pages d’invectives du goût de celles que l’on vient de lire. Terminons par un passage tiré de la Préface qu’il annexa à cette réimpression, et dont la conclusion mérite d’être remarquée : « Oui, si parfois maintenant l’indignation me sort de tous les pores, le lecteur ne m’en voudra point ; car il reconnaîtra que j’ai prédit d’avance ce qui arrive, lorsqu’ayant à la bouche la « recherche de la vérité, » on ne cesse de tenir les yeux fixés sur les intentions et les prescriptions d’autorités supérieures ; lorsqu’on même temps on étend à la philosophie le mot e quovis ligno fi Mercurius, et qu’on décore du nom de grand philosophe, un lourd charlatan comme Hegel… La philosophie allemande est là devant nous, chargée de mépris, rayée du nombre des sciences loyales, — pareille à une prostituée, qui, pour un honteux salaire, s’est livrée hier à l’un, et aujourd’hui à l’autre ; et les cervelles de la génération actuelle sont désorganisées par les absurdités hégéliennes : incapables de penser, assourdies et abêties par tant de tapage, elles deviennent la proie du plat matérialisme, sorti en rampant de l’œuf de basilic. »