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mes prédécesseurs

Depuis, et par l’effet même de cette production et d’autres semblables, on a vu s’introduire dans la philosophie allemande, au lieu de notions claires et de recherches loyalement poursuivies, « l’intuition intellectuelle » et « la pensée absolue ». Tromper, étourdir, mystifier, recourir à tous les tours d’adresse pour jeter de la poudre aux yeux du lecteur, est devenu la méthode universelle, et partout à l’attention qui examine les choses s’est substituée l’intention qui les préjuge[1]. Par cet ensemble de manœuvres, la philosophie, si l’on peut encore rappeler de ce nom, a dû nécessairement tomber par degrés de plus en plus bas jusqu’à ce qu’elle atteignit enfin le dernier degré de l’avilissement dans la personne de la créature ministérielle Hegel. Cet homme, pour anéantir de nouveau la liberté de la pensée conquise par Kant, osa transformer la philosophie, cette fille de la raison, cette mère future de la vérité, en un instrument des intrigues gouvernementales, de l’obscurantisme, et du jésuitisme protestant : mais pour dissimuler l’opprobre, et en même temps pour assurer le plus grand encrassement possible des intelligences, il jeta sur elle le voile du verbiage le plus creux et du galimatias le plus stupide qui ait jamais été en-

  1. Und durchgaengig leitet statt der Einsicht die Absicht den Vortrag.