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essai sur le libre arbitre

peut, de continuer de se mouvoir. Il est clair qu’ayant ainsi conscience de son effort, et n’étant nullement indifférente entre le repos et le mouvement, elle se croira parfaitement libre et sera convaincue qu’il n’y a pas d’autre cause que sa volonté propre qui la fasse persévérer dans le mouvement. Voilà cette liberté humaine dont tous les hommes sont si fiers. Au fond, elle consiste en ce qu’ils connaissent leurs appétits par la conscience, mais ignorent les causes extérieures qui les déterminent……… J’ai suffisamment expliqué par là mon sentiment touchant la nécessité libre et la nécessité de contrainte, ainsi que la prétendue liberté des hommes[1]. »

Une circonstance à noter est que Spinoza n’est arrivé à cette opinion que dans les dernières années de sa vie, c’est-à-dire après avoir passé la quarantaine (1672), tandis que plus tôt, en l’année 1665, comme il était cartésien, il avait soutenu avec décision et vivacité la doctrine opposée, dans ses Cogitatis metaphysicis, c. 12, et avait même dit, à propos du sophisme de Buridan, et en contradiction directe avec le dernier scholie de la seconde partie, que je viens de citer : « Si nous supposons un homme à la place de l'âne dans une telle position d’équilibre, cet homme devra être considéré

  1. Traduction d’Émile Saisset, sauf quelques changements.