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mes prédécesseurs

même ; une chose est nécessaire ou plutôt contrainte quand elle est déterminée par une autre chose à exister et à agir suivant une certaine loi déterminée. » (Traduction d’Émile Saisset.)

Si en effet une mauvaise action provient de la nature, c’est-à-dire de la constitution innée de l’homme, la faute en est évidemment à l’auteur de cette nature. C’est pour échapper à cette conséquence qu’on a inventé le libre arbitre. Mais en admettant celui-ci il n’est absolument pas possible de concevoir d’où une mauvaise action puisse provenir ; parce qu’au fond il n’est qu’une qualité négative, et implique seulement que rien n’oblige ou n’empêche l’homme d’agir de telle ou telle façon. Mais alors il faut renoncer absolument à expliquer quelle est la source dernière d’où découle l’action, puisqu’on ne veut pas la faire dériver de la nature innée ni de la nature acquise de l’homme, ce qui ferait retomber la faute sur son créateur ; ni des circonstances extérieures seules, car alors on pourrait l’attribuer au hasard, l’homme restant innocent dans les deux hypothèses, — tandis qu’on le rend pourtant responsable. L’image naturelle d’une volonté libre est une balance non chargée ; elle se tient immobile, et ne sortira jamais de son état d’équilibre à moins qu’on ne place quelque objet dans un de ses plateaux. Comme la balance est incapable de se mettre