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essai sur le libre arbitre

avec le plus de ménagements possibles. À chaque occasion il y revient, et ne se lasse pas de l’exposer sous les aspects les plus divers. Par exemple, dans son Amphithéâtre de l’éternelle Providence, (exercice 16) il dit : « Si Dieu veut le mal il le fait, car il est écrit : Il a fait tout ce qu'il a voulu. S’il ne le veut pas, comme il n’en a pas moins lieu, il faut dire de Dieu, ou qu’il est imprévoyant ou impuissant, ou cruel, puisqu’il ne sait ou qu’il ne peut pas réaliser sa volonté, ou qu’il néglige de le faire. Mais les philosophes repoussent cette doctrine sans difficulté, car ils disent que si Dieu ne voulait pas d’actions impies en ce monde, il lui suffirait assurément d’un seul mouvement de tête pour anéantir tout le mal jusqu’aux confins du monde. Qui de nous, en effet, pourrait résister à sa volonté ? Comment donc le mal se commet-il malgré lui, quand lui-même donne aux coupables les forces nécessaires ? Et encore, si l’homme pêche malgré la volonté divine, Dieu sera donc inférieur à l’homme qui le combat et lui résiste ? De là, ils concluent que le monde est tel que Dieu le désire, et qu’il serait meilleur, si Dieu le voulait meilleur. » — Et dans l’exercice 44 : « L’instrument agit toujours d’après la direction que lui donne son principal agent : or, puisque notre volonté dans ses actes n’est qu’un instrument, et que Dieu est l’agent principal, il suit que Dieu est responsable des