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essai sur le libre arbitre

fois nous le voyons aussitôt plongé dans un embarras remarquable, et livré en proie à une hésitation et à un doute qui le conduisent jusqu’à des inconséquences et à des contradictions, dans ses trois livres de libero arbitrio. Il ne veut pas, en effet, à l’exemple de Pelage, accorder à l’homme le libre arbitre, de crainte que le péché originel, la nécessité de la rédemption, et la libre élection à la grâce ne se trouvent ainsi supprimés, et qu’en même temps l’homme puisse par ses propres forces devenir juste et mériter le salut. Il donne même à entendre (Argumentum inlibros de lib. arb. ex Lib. I, c. 9, Retractationum desumtum) que sur ce point de doctrine (pour lequel Luther combattit si vivement plus tard), il en aurait dit encore davantage, si son livre n’avait pas été écrit avant l’hérésie de Pelage, contre laquelle il rédigea immédiatement son ouvrage De la nature et de la grâce. Il dit d’ailleurs (de lib, arb. III, 18) : « Si l’homme, étant autrement, serait bon, et qu’étant comme il est maintenant, il ne le soit pas, et qu’il se trouve dans l’impuissance de l’être, soit en ne voyant pas comment il devrait être, soit en le voyant sans le pouvoir devenir, [qui peut douter qu’un tel état ne soit pas une peine et un châtiment[1] ?] » Plus loin : « On ne doit point s’étonner

  1. Traduct. Fr. de Villafore, Paris, 1701. (La seule exis-