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LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

séparent, les uns soutenant à l'unanimité la nécessitation rigoureuse des actions humaines, étant donnés le caractère et les motifs, les autres par contre se ralliant à la doctrine du libre arbitre, d'accord en cela avec la grande majorité des hommes. Il existe encore un parti moyen, celui des esprits timides, qui, se sentant embarrassés, louvoient de côté et d’autre, reculent le but pour eux-mêmes et pour autrui, se réfugient derrière des mots et des phrases, ou tournent et retournent la question si longtemps, qu’on finit par ne plus savoir de quoi il s’agit. Tel a été autrefois le procédé de Leibniz[1] qui était bien plutôt un mathématicien et un polygraphe qu’un philosophe. Mais pour mettre au pied du mur ces discoureurs indécis et flottants, il faut leur poser la question de la manière suivante, et ne pas se départir de ce formulaire :

1° Un homme donné, dans des circonstances données, peut-il faire également bien deux actions différentes, ou doit-il nécessairement en faire une ? — Réponse de tous les penseurs profonds : Une seulement.

  1. « C’est la correspondance de Leibniz avec Coste (Opera Phil., éd. Ernann, p. 447), qui nous montre le plus clairement combien ses idées étaient peu arrêtées à ce sujet. On en trouvera une autre preuve dans la Théodicée, § 45-53. » (Note de Schopenhauer). — En réalité, ce que Schopenhauer ne peut pas pardonner à Leibniz, c’est d’avoir été avant lui un « théoricien de la notion de force. » V. infrà.